Méditons sur le couronnement de Marie.
Imaginons que Dieu lui dit en ce jour ce que nous lisons dans l’histoire de Judith: Asseyez-vous maintenant; buvez et mangez avec joie, parce que vous avez trouvé grâce devant moi. Marie Lui répondit sans doute, empruntant les paroles de la libératrice de Béthulie: Oui, Seigneur, je boirai, car mon âme est aujourd’hui glorifiée plus qu’en tous les jours de ma vie. Elle boit en effet, et elle étanche sa soif au torrent des délices éternels. Son entendement est satisfait par la claire vision de Dieu, un en substance, trois en personnes ; elle s’abreuve à l’océan de la sagesse infinie avec une telle abondance que la plénitude de science des chérubins disparaît et ressemble au vide, en comparaison de la plénitude de Marie. Sa volonté est satisfaite par l’amour béatifique qui l’attache pour jamais au Créateur. Ô Reine du ciel, je vous félicite de votre gloire et je me réjouis du bonheur que vous goûtez à la table de votre Fils. Vous êtes assise à sa droite ; sa nourriture et son breuvage sont les vôtres. Vous méritez d’occuper cette place et de participer à ce banquet à plus juste titre que les apôtres, puisque vous êtes demeurée avec Jésus au moment de la tentation et de l’affliction. Maintenant donc que vous êtes au sein de l’abondance, ne nous oubliez pas, pauvres nécessiteux qui vivons sur la terre ; donnez-nous de quoi soulager notre faim et notre soif, et ne nous refusez pas du moins les miettes qui tombent de votre table. Marie fut élevée au-dessus des neuf chœurs des anges. Son divin Fils la plaça sur un trône resplendissant à sa droite et lui témoigna incomparablement plus d’amour que ne put en témoigner Salomon à Bethsabée lorsqu’il la fit asseoir auprès de lui sur un autre trône. C’est alors que s’accomplit cette prophétie de David : La Reine s’est tenue à votre droite, toute vêtue d’or, et parée d’ornements d’une admirable variété. Car, comme il est dit que Notre-Seigneur est assis à la droite de son Père, parce qu’il possède auprès de Lui les plus précieux biens de la grâce et de la gloire, ainsi disons-nous que la Vierge est assise à la droite de son Fils, parce qu’elle occupe après Lui le rang le plus élevé dans le ciel et qu’elle surpasse en gloire les esprits bienheureux, autant que la dignité de mère l’emporte sur la qualité de serviteur. Ô Reine des anges, je ne puis vous exprimer la joie que je ressens de vous voir ainsi élevée à la droite de votre Fils. Cet or qui brille sur vous, c’est la charité ; et cette variété d’ornements dont vous êtes environnée, ce sont vos autres vertus. Si le premier ange qui se perdit par son orgueil, était dans le ciel revêtu d’une robe magnifique, enrichie de neuf sortes de pierres précieuses qui représentaient les différentes perfections des neuf chœurs de la milice céleste, à combien plus forte raison êtes-vous douée et parée de toutes les perfections des pierres vivantes qui composent la cité du Très-Haut ! Regardez, ô Mère de miséricorde, ma pauvreté ; donnez-moi la robe nuptiale, je veux dire la charité, afin que je sois digne de paraître devant Dieu, et de jouir de sa présence en votre compagnie dans l’éternité. La glorieuse Vierge fut couronnée par la très sainte Trinité de plusieurs couronnes. Le Père éternel lui mit sur la tête la couronne de puissance. Il l’investit d’un pouvoir illimité, subordonné toutefois à celui de Jésus-Christ, sur toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Ainsi s’accomplit en elle cette parole de David : Vous l’avez couronnée de gloire et d’honneur ; vous l’avez établie sur les œuvres de vos mains. Le Fils plaça sur son front la couronne de sagesse. Il lui donna une connaissance claire non seulement de sa divine essence, mais encore de toutes les choses créées, de celles en particulier qu’il lui importait de connaître en sa qualité de mère et d’avocate des hommes. Le Saint-Esprit posa sur son chef auguste la couronne de charité, en la remplissant d’amour pour Dieu et de zèle pour la perfection et le salut des âmes. Quelle ne fut pas l’admiration des trois hiérarchies des anges lorsqu’ils virent étinceler ces couronnes sur la tête de Marie. Les séraphins admiraient l’ardeur de sa charité ; les chérubins, la plénitude de sa sagesse ; les trônes, l’abondance de sa paix ; les dominations, la grandeur de sa puissance ; les vertus, l’excellence de ses dons ; tous les autres anges, le comble de sa perfection et de sa sainteté. Réjouissons-nous de voir la Mère de Dieu porter si noblement cette triple couronne. Bénissons le Seigneur qui nous a donné dans le ciel une Mère si puissante qu’elle peut remédier par son intercession à toutes nos misères, une Mère si éclairée qu’elle connaît tous nos besoins et voit jusqu’aux moindres mouvements de notre cœur, une Mère si charitable qu’elle souhaite plus que nous-même l’accomplissement de tous nos désirs. Ô glorieuse Vierge, c’est maintenant que toutes les créatures du ciel et de la terre peuvent vous proclamer à haute voix bienheureuse, puisque vous entrez en possession du bonheur parfait dont vous n’aviez jusqu’ici que l’espérance. Le Tout-Puissant a toujours opéré en vous de grandes choses ; mais Il met aujourd’hui le comble et le sceau à ses libéralités, en récompensant votre humilité de la couronne de gloire. Douze étoiles resplendissent autour de votre tête. Elles signifient que les saints, vos fidèles imitateurs, sont votre gloire et votre couronne, et qu’ils sont redevables de leurs victoires à votre intercession et à votre secours. Aussi, dans un sentiment d’humilité et de reconnaissance, déposent-ils à vos pieds leurs couronnes, confessant qu’ils ne les ont obtenues que par l’efficacité de vos prières. Ô avocate pleine de miséricorde, ô puissante médiatrice, intercédez pour moi, secourez-moi, afin que je sois, moi aussi, votre joie et votre couronne ; inspirez-moi enfin la résolution inébranlable de combattre si vaillamment en cette vie, que je remporte par vous la victoire et que je reçoive en l’autre la couronne éternelle de gloire. Ainsi soit-il.