Y have a dream!

Y have a dream 29

Le couloir de l’hôpital renvoi l’écho assourdi des chuchotements de nos trois amis alors qu’ils sont arrêtés devant une porte anonyme.

  • Tu crois que c’est ici?
  • Oui Jacinta, maman a dit la chambre 123.

Francisco entrouvre le battant après avoir donné trois légers coups pour s’annoncer; dans la pièce, le cliquetis des appareils remplit l’espace et le sourire de Filoména accueille le trio, chassant la crainte qui les saisissait.

  •  Venez, entrez, Enrico dort profondément, je suis contente de voir mes petits voisins! Asseyez-vous…vous arrivez à temps, le docteur viens de passer et il m’a confirmé qu’Enrico nous quitterait aujourd’hui, son cœur peut s’arrêter d’un instant à l’autre…
  • Alors il faut prier!

Jacinta prends d’autorité la main d’Enrico inerte sur le drap, puis celle de Francisco qui saisit celle de Lucia. Filoména termine le cercle en mettant sa main sur le front de son mari en disant:

  • Vous savez, Enrico ne veut plus aucune prière ni rien qui ne vient de Dieu depuis qu’il a été brutalisé quand il était enfant de Cœur… Cela fait 70 ans qu’il n’a plus mis les pieds dans une église!
  • Cela n’est pas lui, c’est nous qui prions pour lui!

 Et Lucia d’une voix douce commence l’Ave Maria immédiatement suivi par toute la chaine…Soudain Enrico semble sortir de sa torpeur et ouvre les yeux en fixant le plafond de la chambre puis se rendort.

La porte s’ouvre sans bruit, et une infirmière entre pour les soins; tous sortent lentement dans le couloir.

  • C’est l’heure de la messe à l’aumônerie, nous y allons mais nous allons revenir Filoména.

A la fin de la cérémonie, Francisco explique au prêtre la situation dans laquelle se trouve Enrico; immédiatement celui-ci se pare de son étole violette et d’un ton péremptoire leur signifie:

  • Allons le voir!

Filoména, qui se trouve toujours dans le couloir voit, horrifiée, arriver le groupe en disant:

  • Non, il ne veut pas de prêtre!

Mais le celui-ci lui dit aussitôt:

  • Allez lui demander!

Filoména s’absente un cours instant et ressort de la chambre, l’air à la fois étonnée et ravie en disant:

  • Il veut bien!...

Le prêtre entre le premier, s’agenouille devant le lit du mourant en lui disant:

  • Enrico, je te demande pardon au non de toute l’Eglise; maintenant est-ce que tu m’entends?

Enrico, immobilisé par la maladie et encombré des tubes de l’assistance respiratoire ne peux que cligner des yeux et c’est ce qu’il va continuer de faire à chaque fin de phrase de la lecture de l’indulgence plénière que le prêtre lui offre. Une grosse larme perle à chaque œil, puis roule sur les joues creusées par la souffrance. Au même instant que le livre de prières se ferme, un son strident et continu succède au cliquetis du respirateur, la poitrine d’Enrico s’abaisse une dernière fois et un sourire paisible aux lèvres il se fige pour l’éternité. Le prêtre prend dans ses bras les enfants agités de gros sanglots en leur disant.

  • Ne pleurez plus, Enrico est maintenant au paradis grâce à votre démarche!
  • Je sais, dis Jacinta, et c’est Marie qui l’emmène, il nous dit au revoir à tous!

Christine et Bernard